Elle avait pour habitude de dormir nue. Et chaque matin, peu importe les hôtels où nous passions la nuit, c’est à moi que revenait la tâche de venir frapper à sa porte pour lui apporter son café. Elle dormait le sein dénudé. Je regardais son mamelon s’élever et s’abaisser au rythme de ses respirations. Il se dressait, naturellement fier. Il était devant mes yeux et pourtant je le sentais dans ma bouche.
Je l’imaginais à la fois sensible et capable d’en prendre, aimant aussi bien être effleuré du bout des lèvres que profondément sucé ou mordillé avec vivacité. Je me voyais glisser d’un sein à l’autre afin de n’en négliger aucun des deux. Les serrant dans mes mains, je les faisais se rencontrer, les mangeant à pleine bouche comme un sein à deux têtes. J’en pompais si vigoureusement le suc, que je goûtais son nectar légèrement sucré et sûr à la fois. C’est avec ce goût évanescent dans la bouche que je me contentais de déposer son flat white près de son lit tout en la réveillant d’un discret « Good morning! ».
La première fois que je l’avais vu en personne, elle portait une combinaison de latex noire. Considérée comme l’une des grandes guitaristes du XXIe siècle, elle électrisait de son talent le public d’Osheaga.
Un de mes bons amis était membre de l’équipe du festival et je lui avais demandé la faveur de la rencontrer. Je me doutais quelle avait une assistante, mais je lui avais donné ma carte en lui disant que si elle avait des envies de poutine à 3h du mat’, ou de découvrir les places queers de Montréal j’étais là. Et à ma plus grande surprise, elle me donna rendez-vous dans un bar près de chez moi.
Installée au comptoir, elle dégustait un verre de vin. J’aimais chez elle cet équilibre entre son féminin et son masculin. Dans un bar, les femmes seules semblent souvent attendre quelque chose tandis que les hommes paraissent dans leur élément. Elle ne semblait rien attendre, elle était calme. J’observais sa façon de tenir son verre, d’occuper son siège, de poser ses mains sur le comptoir. Je m’étais approchée d’elle et nous avions choisi une table afin d’avoir un peu plus d’intimité.
Il y avait un décalage entre son image publique extravagante et son calme face à moi. Elle avait une certaine froideur que je trouvais chaude, mais lors de nos échanges, ce qui m’avait frappé c’était sa présence, d’une qualité assez rare. Elle était entièrement là, curieuse et attentive. Cela passait par le regard. Et je me souviens avoir été étonnée de le soutenir aussi longtemps, sans en être gênée.
À la fin de la soirée, elle avait tenté de m’embrasser et je m’étais surprise de la repousser, non pas que je n’en avais pas envie, mais je ne voulais pas tout mélanger et commencer sur un mauvais pied notre éventuelle collaboration. J’avais quand même eu le plaisir de goûter à ses lèvres avant de la repousser, et sa langue, aussi court qu’eût été notre french, était rentrée profondément en moi.
C’est la première fois que je sentais qu’une langue pouvait avoir une poigne. À la fois pleine de force et de souplesse, elle était sans conteste son instrument de travail. Mais puisque c’était en partie cette langue que je souhaitais représenter, je lui demandai à mon grand regret de la garder dans sa bouche. Et malgré ce vent, elle m’engagea comme son assistante.
Je l’accompagnais partout dans ses tournées. J’avais la chance de la suivre dans son quotidien, dans ses moments de grâce comme de doutes. Amoureuse, j’étais sa meilleure ambassadrice et j’avais une place particulière que je ne voulais pas perdre en succombant à la tentation de vivre une histoire avec elle. Je me satisfaisais de nos moments d’intimité « professionnelle ».
Nous avions pour tradition de finir nos soirées bien arrosées par un bras de fer, qu’aucune de nous deux ne semblait vouloir gagner, histoire de maintenir un peu plus longtemps notre proximité. Sa main dans la mienne, son bras bien bandé et nos têtes qui se frôlent. Elle était redoutable à ce jeu-là, et tandis que je rassemblais toutes mes forces dans une grimace, elle, restait de glace. Et lorsqu’elle plaqua ma main sur la table tout en douceur, elle arbora son plus grand sourire.
Après ces soirées-là, je rentrais seule dans ma chambre et me consolais en me disant que je n’avais pas besoin de faire l’amour avec elle, juste l’idée de la sentir en moi me faisait venir. Je repensais à la fois où nous avions dormi dans la même chambre lors d’une tournée.
Chacune dans son lit, nous nous observions en silence et je sentais son désir se promener sur mon corps. À chacune de mes respirations, ma poitrine se gonflait et remontait avec elle mon sexe, faisant se toucher mes grandes et petites lèvres. Je pouvais sentir une ligne de tension se dessinant de mon anus jusqu’à mon clitoris. Je restais dans ses yeux et recevais de petites décharges à sentir combien elle me possédait.
Je m’imaginais à la place de cette femme qu’elle avait fait jouir dans sa loge, un soir de tournée. Je l’avais surprise les doigts dans la fente d’une admiratrice. J’avais refermé discrètement la porte, mais en gardant une légère ouverture pour observer.
Elle était tout habillée, prête pour son show qui commençait dans quelques minutes, tandis que son amante était totalement nue. Elle s’était placée dans le dos de la femme et la prenait d’une main par-derrière tandis que son autre main voyageait entre son sexe et ses seins. Chacune de ses mains jouait une partition différente pendant qu’elle lui glissait des mots à l’oreille. Je pouvais voir les traits de son visage si raffinés et la silhouette de ses lèvres qui s’ouvraient; et à chacune de ses phrases, la femme haletait de plus en plus vite et de plus en plus fort.
Là, dans ce lit, c’est moi qui respirais de plus en plus fort. C’était puissant de se regarder de loin, de ne se toucher que des yeux, de se pénétrer la pupille. Elle avait le pouvoir de faire circuler plus rapidement le sang dans mon corps, accélérant mon pouls, faisant couler le jus à l’entrée de mon sexe. Je pouvais sentir ses doigts me visiter. Combien de fois avais-je regardé ses mains danser sur sa guitare en les imaginant danser sur mon corps ? Et là dans ce lit, je fermais les yeux et je me réincarnai dans sa Music Man.
Je la sens me prendre. Sa main gauche me saisit le cou fermement, tandis que sa main droite m’effleure. La danse de ses doigts sur mon corps m’électrise. Elle oscille entre me caresser, me jouer vigoureusement et me pincer sur toute ma longueur. Elle aime casser le rythme, me chauffer puis me faire attendre, et revenir avec plus de fougue, me tirant la corde avec force, jusqu’à me faire crier. Elle s’arrache presque la peau des doigts à me faire venir. Sa nuque se trempe, de petites perles de rosée se forment sur sa poitrine et quelques gouttes glissent sur ma peau laquée.
Je suis collée à son corps, seule une fine couche de sa combinaison de latex rouge nous sépare. Je trouve ma place entre ses seins, et parfois mon cul effleure son pubis. Elle me fait vibrer fort en elle. Elle me fait danser d’un côté puis d’un autre, puis elle me pose pour mieux me reprendre une chanson plus tard.
Je suis encore toute chaude de nos échanges. Elle sort alors son médiator et chacun de ces passages passionnés est comme une morsure oscillant entre jouissance et tiraillement. Mon corps est une caisse de résonance dont la vibration la pénètre, elle et tous les corps présents dans la foule.
Comme au creux d’une vallée où tous les cris en écho se décuplent, notre musique s’intensifie, elle sur moi, moi en elle, nous au cœur du public. Je n’ai jamais fait l’amour entouré d’autant de monde. La foule est à l’unisson de notre alchimie, criant si fort que je n’entends même plus mes propres sons. Je hurle, sortant une musique que je ne me savais même pas capable de jouer. Elle me maitrise à la perfection.
Je tiens autant que je peux, avant de venir dans un larsen puissant, déchirant l’air autour de nous. Puis, s’ensuit un long silence divin. Elle finit à genoux, jetant dans le public, non pas sa guitare, mais son médiator couvert de sa sueur et de mon jus de gratte.
Ce médiator, c’est moi qui avais eu la chance de l’attraper dans le public d’Osheaga, juste avant de la rencontrer.
Depuis, il n’y avait pas une journée où il ne m’accompagnait pas, me servant d’objet antistress comme de jouet sexuel. Dans les deux cas, je le tenais fermement serré entre mes deux doigts.
Lorsque je ne le caressais pas, c’est lui qui me caressait, et je repensais à toutes les places où il était allé : entre ses doigts, dans sa poche touchant son pubis, et dans sa délicieuse bouche.
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