Elle était allongée sur une chaise longue et je ne parvenais pas à voir derrière ses lunettes de soleil si elle avait les yeux fermés ou non. J’avais peur de la déranger, alors je restais là, debout comme un piquet, avant de me décider à m’étendre sur la chaise à ses côtés. Je goutais au silence partagé, observant les lumières beurrées lui caresser le cou, bercée par la mélodie des vagues qui léchaient la petite plage. Je fermais à mon tour les yeux. Je commençais à me laisser envelopper par la volupté de l’été lorsque sa voix me fit sursauter.
– « Salut Thaïs ! », dit-elle énergiquement.
Sa capacité à avoir retenu mon prénom, certes peu commun, me charma.
– « Allo Liette. », répondis-je légèrement endormie, en pensant que, malgré son prénom, elle était sans conteste une des personnes les plus charmantes que j’avais rencontrée dans ma vie.
Elle était venue donner des cours de chants dans le camp musical où je travaillais chaque été. Le site était en pleine nature, au bord d’un lac. Des apprentis musiciens venaient s’exercer sans relâche afin d’être prêts pour le concert final qui avait lieu à la fin de la semaine. Durant toute la journée, on entendait des partitions à répétition s’échapper de la dizaine de petites cabanes dispersées sur le site. Le lieu vivait au rythme de la musique. Tous les soirs, des sessions de jam étaient organisées jusque tard pour les plus passionnés. L’ambiance était très collégiale, les enseignants et les enseignés logeaient à la même adresse dans un ancien chalet de pêcheur du siècle dernier à l’architecture d’origine, pleine de cachet. C’était un rendez-vous que j’attendais avec impatience chaque année. C’était un peu mon Dirty Dancing à moi, les danseurs, l’avortement et Patrick Swayze en moins. Mais cette année, il y avait Liette Marmonet. Sa présence avait fait exploser le nombre de participants et nous avions dû refuser du monde afin de garder une taille intimiste à l’évènement.
Ce qui m’avait frappé la première fois que je l’avais rencontrée, c’était sa petite taille qu’elle tentait de compenser avec des chaussures plateformes. Mais sa taille n’était pas à l’image de son énergie : une vraie boule de feu. Et ce soir au jam, elle était particulièrement en forme. Les concerts libres et improvisés se passaient dans la Boat-House, une petite cabane sur pilotis qui semblait flotter sur le lac où venaient mourir les plus beaux couchers de soleil.
J’avais assisté à pas mal de jams dans ma vie, mais les deux auxquels Liette avait participé avaient été particulièrement mémorables. Son énergie était communicative et son amour de la musique était tel qu’elle faisait ressortir le meilleur de chacun, se mettant au diapason de tous, professionnel comme amateur. Lorsqu’elle chantait, elle avait cette capacité de devenir un instrument parmi les instruments, d’improviser avec des scats qui resteraient dans les annales du camp.
J’étais restée jusqu’à la fin du jam afin de ranger la salle pour les cours du lendemain. Je roulais les câbles et rangeais le matériel tandis que j’observais Liette adossée à la porte, discutant avec une des chanteuses. Elle lui souriait et la faisait rire. Je découvrais une énergie assez masculine chez elle, flirtant presque avec une attitude de crooner. Puis quand je sortis la tête de la montagne de fils à rouler, elles avaient disparu. Je les vis à travers les fenêtres partir ensemble. Je souriais intérieurement.
Je finissais de ramasser les quelques verres qui trainaient à terre, puis je m’assurais que tout le monde était parti avant de fermer la porte et me mettre au piano. Je profitais d’avoir le lieu pour moi toute seule afin de jouer un peu, loin des regards. Je ne m’étais jamais jointe à aucun jam. Je n’étais jamais assez prête. Mon plaisir semblait plutôt solitaire. J’aimais être seule avec ce monstre si délicat qu’il suffisait de le caresser pour l’entendre gémir. J’étais en train de jouer un morceau lorsqu’une voix par la fenêtre restée ouverte me fit sursauter. Je la reconnus.
– « Petite cachotière ! Wouah, j’ignorais que tu étais toute une pianiste. C’est vraiment beau, est-ce que tu veux bien le rejouer pour moi ? »
Un peu décontenancée par la présence de Liette et par le fait que quelqu’un me vole mon moment, je me fis légèrement piquante :
– « Je pensais que tu étais partie avec Sarah. Tu t’es pris un vent ? »
– « Non pas du tout. », répondit-elle sur la défensive.
Puis elle sourit et baissa la tête : « Un peu… Elle m’a trouvé un peu intense. »
– « Surprenant ! », dis-je ironique.
– « Alors je venais voir si toi tu voulais. »
– « Si je voulais quoi ? »
– « M’embrasser ? »
– « C’est vrai que t’es intense ! »
Je me remis au piano et commençai à la taquiner : « Mais oublie ça nous deux, t’es trop petite pour moi. »
Surprise et vexée, elle bondit : « Hey, oh ! Faut pas se fier à la taille ! »
– « Pour les hommes je sais pas, mais pour les femmes… »
– « Ah bon pourquoi ?! »
– « Bah! La taille des doigts et des mains est importante. », lui dis-je en lui montrant la mienne.
– « Ah ouais, ça a l’air technique. J’avais pas pensé à tout ça. », dit-elle en prenant ma réponse sérieusement.
– « J’aime ta naïveté. C’est des blagues Liette ! T’y connais rien aux femmes, hein ? »
– « Non. Mais apprends-moi, tu sembles savoir toi ! », me répondit-elle, pleine de curiosité.
Je me mis alors à jouer un de ses morceaux, l’invitant de la tête à venir s’asseoir à côté de moi pour m’accompagner. On se mit à jouer à quatre mains. Et à chanter. Puis on commença un battle piano voix à saveur gainsbourienne. Je commençais avec Parce que, elle enchaîna avec L’eau à la bouche, puis on passa par Good Bye Emmanuelle et Lola Rastaquouère. J’étais surprise qu’elle connaisse aussi bien que moi son répertoire. On riait de notre complicité, et de tous ces mots chauds mis en bouche. Mais devant le constat qu’aucune de nous deux ne gagnerait, on s’inclina mutuellement et on se serra la main en bonnes joueuses. On garda nos mains l’une dans l’autre et j’en profitai pour la tirer tendrement vers moi et lui voler un baiser. Elle pivota sur le long tabouret où nous étions assises et vint s’asseoir sur mes cuisses pour m’embrasser frontalement et passionnément. Elle était pleine d’intensité et de légèreté à la fois. Totalement mon genre de femme.
Mes bras autour de sa taille permettaient à mes mains de rejoindre le piano et je me mis à presser les touches au rythme de nos frenchs, laissant s’échapper des sons parfois mélodieux, parfois cacophoniques. Ça la fit rire. Puis mes mains quittèrent le piano pour se poser sur ses fesses, je caressais ses fentes et ses courbes à travers le tissu. Je la soulevai et la déposai sur le clavier, laissant son cul jouer un accord majeur.
Je commençais à déboutonner tranquillement son pantalon lorsqu’un homme déboula dans la Boat-House. Liette s’exclama :
– « Mais papa ! Qu’est-ce que tu fais là ? »
– « Liette ! »
Il était tellement dans son monde qu’il ne semblait pas avoir remarqué que je m’apprêtais à doigter sa fille. Ça a du bon quelquefois l’inattention.
– « Tu n’as pas vu ta mère ? Je la cherche partout. Je crois qu’elle est partie avec ce gars qui n’a pas arrêté de la draguer de la soirée. », lui confia-t-elle en pleurnichant.
Je commentais pince-sans-rire : « C’est de famille, la cruise ? »
– « La quoi ? »
J’oubliais la barrière québécoise : « Laisse tomber. »
Son père cherchait sa femme dans les moindres recoins de la pièce.
J’en profitais pour lui demander discrètement : « Comme ça t’es venue avec tes parents ?! »
– « Bah c’est plus pratique, pendant que je travaille, il garde ma gosse. »
Ça faisait beaucoup d’informations familiales pour moi ce soir…
– « Papa, tu connais maman, elle va revenir. »
– « Oh oui je sais, mais moi je veux pas dormir tout seul ! »
– « Tu ne dormiras pas tout seul papa, je vais te raccompagner, viens ! »
Gênée, elle me demanda : « On se revoit demain ? »
– « Je pense bien que oui, à moins que je parte sur la go avec ta mère. », ironisais-je.
– « Sur la quoi ? »
– « Laisse tomber. »
* * *
Le lendemain matin, elle arriva en retard à la classe de maître qu’elle devait donner, le cheveu ébouriffé. Elle m’aperçut au fond de la salle et je sentis son œil osciller entre gêne et excitation. Nous avions des emplois du temps plutôt chargés, on se croisa tout au long de la journée sans vraiment réussir à s’attraper, mais en se mangeant tout de même un peu du regard.
Lorsqu’elle m’apporta un verre de vin au 5 à 7, je lui fis une invitation qui avait le mérite de ne pas tourner autour du pot.
– « Tu invites souvent des filles dans ton bungalow ? », me demanda-t-elle l’œil malicieux
– « Ça peut m’arriver… Ça m’est arrivé. »
– « Vas-y combien ? »
– « Liette, ça fait 5 ans que je travaille ici chaque été. »
– « C’est une réponse ça ? Je dois multiplier par 5 combien ? », dit-elle amusée.
– « Est-ce que ça veut dire que tu es intéressée ou je le propose à quelqu’un d’autre ? », m’amusais-je.
Elle répondit du tac-o-tac : « Quelle heure ? »
*
Elle arriva à l’heure, le cheveu coiffé et ses petites lèvres brillantes. J’aimais sa bouche. Elle fit le tour de mon studio, prenant le temps de regarder les livres que je lisais, les affiches et cadres accrochés. J’aimais sa curiosité qui ne semblait pas feinte. Puis quand elle eut fini de faire le tour, elle avança de côté, un peu nerveuse. Pleine d’assurance sur scène, je la découvrais gênée dans l’intimité. C’était charmant.
Sa timidité faisait fuir la mienne et nourrissait mon assurance. Je m’allongeais sur le lit et l’invita : « Viens ! ». Elle s’allongea à côté de moi, à une longueur de bras. Je profitais du moment, étirant cette parenthèse entre nous deux, avant que l’on se mette à écrire notre histoire. J’aimais ce temps suspendu. Ce moment avant. Avant que la machine s’emballe, avant que l’on se galoche, avant que l’on se monte dessus, avant que l’on se chevauche. Je m’approchai d’elle, laissant reposer mon corps à quelques centimètres, mais sans la toucher. J’étais physiquement attirée, comme si l’on avait placé un aimant dans son corps, puis un autre dans le mien. Je dénudai son ventre en soulevant son t-shirt et fis pareil avec ma chemise, puis je collai mon ventre au sien. La sensation était un mélange de coton et d’électricité, de douceur et de spasmes. Nos nez se touchaient. J’inclinai légèrement la tête et je commençai à l’embrasser, d’une lenteur et d’une délicatesse qui sonnait les premières fois. J’avais l’étrange impression d’être vierge de tout baiser. Ses lèvres se réchauffaient et s’animaient tranquillement. Je ressentais chacun de ces micro-mouvements, leurs échos se répercutant dans tout mon corps. Je n’avais jamais fait l’amour de façon aussi consciente.
À partir un feu avec autant d’attention et de petites brindilles, il devint un généreux brasier, et dans l’excitation je lui mordis le cou.
– « Oh non fais pas ça, j’ai des concerts qui s’en viennent. »
– « Tu diras que c’est ta fille. 3 ans, c’est l’âge où ils mordent. »
– « Ça a l’air que t’as jamais arrêté, toi ! »
À la place, je lui fis un suçon sur le sein gauche.
– « Ça, ça va être plus difficile à expliquer à mon mec. »
Elle était définitivement pleine de surprises, mais la plus grande n’était pas encore venue…
C’est au moment de descendre son pantalon qu’elle m’arrêta, un peu gênée. Elle se leva du lit, fit quelques pas de recul et se tourna. Elle semblait avoir une gigantesque bosse au niveau de sa croupe sous ses jeans. Quand elle enleva son pantalon, elle avait littéralement une queue de cheval au-dessus de la raie de ses fesses. Je crus rêver, mais je ne rêvais pas. Elle s’approcha de moi avec sa queue majestueuse qui fouettait ses cuisses. Je m’assis sur le bord du lit et écartai les jambes pour l’accueillir. Elle m’embrassa fougueusement et ma main curieuse saisit la base de sa queue. Mes doigts exploraient la connexion entre la peau et le crin, sa queue était si épaisse que mon pouce ne rejoignait pas mon index. Je me levai et vins plaquer mes seins dans son dos, plaçant mon sexe contre son poil. Je sentais monter à mes narines une odeur animale, si caractéristique du parfum des chevaux. J’avais entendu parler des femmes centaures, mais j’en découvrais une pour la première fois. Et j’ignorai que ça puisse m’exciter autant.
Face à face, nos huit lèvres débordantes se mélangeaient. Je sentais son miel chaud couler, ou peut-être était-ce le mien ? En mariant nos jus, on produisait notre propre nectar, unique. La rencontre de nos clitoris gonflés à bloc devenait presque douloureuse. Chaque caresse était une sensation aiguë, profonde, saisissante. Sa queue, à l’image d’un gouvernail, me permettait de la diriger, de régler notre cadence. Comme le ressac des vagues, le va-et-vient de nos corps venait fissurer un peu plus profond la digue, chaque baiser de nos sexes nous rapprochant de l’orgasme. Et ce n’est pas dans un hennissement, mais bien un gémissement animal accompagné d’un craquement de bassin qu’elle vint . Son corps lourd tomba à côté de moi sur le lit. J’observais son visage déformé par le plaisir, une mèche de cheveux collée à son front, les yeux dans le vide, et le sourire qui lui mangeait la moitié du visage.
– « T’es belle. »
– « Ah oui ?… J’suis plus trop petite ? », me taquina-t-elle
– « T’es par-faite ! », dis-je en souriant.
Le vinyle avait fini sa course depuis un bon moment et tournait dans le vide. Je me levais pour l’arrêter lorsqu’elle me demanda :
– « J’vais faire un concert à Montréal bientôt. Tu seras là ? »
– « Peut-être… C’est assez rare que je revoie mes amantes. Mais pour toi je pourrais faire une exception. »
– « Moi aussi c’est assez rare, mais pour toi je vais faire une exception. »
On se souriait, fusionnant notre lumière. On s’embrassa et nos corps s’embrasèrent de nouveau. Elle monta sur moi, et pendant qu’elle me mangeait, à quatre pattes, je regardais sa queue royale s’agiter, fouettant l’air. C’est beau une femme cheval !
Copyright © 2024 CUMIN. Tous droits réservés.
Previous Next