Ce film m’avait donné envie de baiser. Ce n’est pas une mauvaise chose en soi. Le problème c’est que ce film m’avait donné envie de baiser avec mon ex. Ce film c’était notre histoire. Comment il avait fait ce gars, avec ses images, pour me remettre en pleine face la saveur de la peau de mon ex. Il l’a connaît même pas.
Cette fille je l’avais tellement kiffée, que 6 mois de cure n’avaient pas suffi à m’enlever le goût d’elle. Mon corps la réclamait ardemment. Personne ne réussissait à me lire comme elle, pas même moi.
Lorsque je croyais que mon corps était repu, elle trouvait le moyen de ressusciter mon désir. Elle jouait de moi comme d’un instrument, mon corps ne m’appartenait plus. Elle le possédait, mais étrangement je ne me sentais jamais dépossédée, car elle en jouait à merveille.
Fixant le plafond de ma chambre à coucher, ma main perdue dans mes pensées et ma tête dans mes bobettes, je voulais lui faire une proposition: se revoir juste pour se faire l’amour.
On se rencontrerait chez moi. Je ne voulais rien savoir de sa nouvelle vie vierge de moi. On se baiserait dans le fond des yeux. Elle ne me laisserait pas le temps de la déshabiller, ça me frustrerait. J’aime ça faire tomber une bretelle de soutien-gorge, embrasser une nuque, prendre le temps. Mais je savais qu’en revenant des toilettes elle serait déjà nue sur mon lit. Elle me connaîtrait, saurait que je veux tout contrôler, elle m’arrêterait, elle en a la force. Elle s’occuperait de moi, je l’arrêterai, j’en ai la force.
C’était du muscle cette fille et c’était aussi tant de douceur. Ces doigts qu’elle rentrait avec tellement de lenteur qu’elle me torturait de plaisir. Moi, fallait aller vite, fort, profond, me creuser pour me trouver, elle, elle m’effleurait, me ralentissait et me trouvait pareil. Elle m’emmenait toujours ailleurs, là où je ne m’y attendais pas.
Elle me dépaysait avec ses mots, avec ses mains. Sa voix d’enfant, ses seins de femme, sa sagesse de vieille entre deux bières et ses yeux intemporels; elle avait tous les âges et elle me prenait comme tous les sexes. J’étais dans ses bras comme dans ceux d’un mec, d’une mère, de la mer, et dans l’herbe fraîche et tendre aussi.
La magie c’était s’être baisées des centaines et des centaines de fois et de trouver à chaque fois le moyen de se réinventer. J’aurais pu vivre sur le corps de cette femme, comme sur une île déserte sans avoir besoin de rien d’autre. Caresser sa peau pendant des années, c’est elle qui se serait tannée le cuir avant moi.
Durant deux ans, nous avions joui tout ce qu’il y avait à jouir, exploré chaque trou, humé chaque pore. Nous nous étions mutuellement sucées jusqu’à la moelle, et nous étions sorties de cet amour complètement vidées, brulées, anéanties.
Malgré cela, je trouvais que c’était une bonne idée de se revoir, histoire de faire ce que nous faisions si bien ensemble. Mc Solaar avait raison…
*
J’aimais chez elle son amour des expériences. Et lorsqu’elle passa le pas de ma porte, elle n’y fit pas exception. Elle me tendit un petit sac en papier brun que je pris avec délicatesse. Il était extrêmement léger pour sa grosseur. J’en déroulai le haut et en sorti avec précaution deux champignons frais.
Je souris face à cette proposition inattendue. Je savais ô combien elle aimait me voir perdre le contrôle.
Tenant le champignon par sa tige large et longue, j’observais son chapeau rond et luisant comme un gland prêt à exploser. Je le mis dans ma bouche et l’avalai en trois bouchées, prenant le temps de bien le mâcher, préparant mon corps à cette offrande sacrée. Nous mangions, en conscience, complices.
Nous nous sommes installées dans le jardin où j’avais déposé une couverture sur l’herbe et quelques oreillers. Allongées côte à côte, on regardait le ciel. J’inspirais profondément et je pensais à l’air qui passait de son corps au mien. L’éther que nous partagions et ce silence si apaisant.
Tandis qu’elle étirait ses mains au soleil, touchant le ciel, ma réalité commença à se transformer.
Je voyais le sang circuler sous sa peau. Depuis ses doigts, la vie coulait le long de ses bras et continuait son chemin dans deux directions opposées: une remontant vers sa nuque, et l’autre descendant vers sa poitrine. Curieuse de suivre cette course phosphorescente, je lui demandai si je pouvais enlever du chemin les vêtements intrusifs.
Comme une enfant scrutant une colonie de fourmis, toute mon attention était focalisée sur ces canaux luminescents qui se croisaient, se séparaient, mais finissaient tous leur course atour de son chakra sacré.
Enlevant à mon tour mon t-shirt, je regardais mon corps et ce monde intérieur abyssal et iridescent, brillant de mille feux sous ma peau.
J’avais besoin de m’allonger et de fermer les yeux. Dans l’obscurité, je passai dans une tout autre dimension.
À l’image du cavalier de la pochette d’album de Sébastien Tellier, je me retrouve, telle une lilliputienne, à marcher sur le corps démesuré de cette femme. En bordure de chemin, je vis l’expérience déroutante de passer mes bras dans un champ de poils haut de 2 mètres, à l’image d’une haie de roseaux. Je ne comprends pas comment ces cheveux pubiens réussissent à défier la gravité vu leur finesse. Rien n’est comparable dans la « vraie vie » .
Mes pas s’enfoncent tendrement, comme sur le sol d’une aire de jeux. J’avance vers une porte fermée qui marque l’entrée de son sexe. J’essaie de l’ouvrir, mais la poignée ronde est comme un bouton trop bien huilé pour me permettre de la tourner. Elle glisse sous mes doigts désormais couverts d’un liquide tiède et soyeux.
Ce lait crémeux recouvre ma main. Je le sens comme une étreinte, comme si quelqu’un entrelaçait sa main dans la mienne, remplissant le vide entre mes doigts avec la plus grande perfection. La poignée s’enfonce alors dans la porte et je passe de l’autre côté.
Je rouvre mes yeux le temps d’une respiration et j’observe Caroline. On se sourit comme des enfants innocents découvrant la beauté primaire de la vie. Je vois le temps passer sur son visage. Je suis troublée d’assister à sa transformation tour à tour en une jeune fille, puis une vieille femme, et un squelette. Je ferme les yeux de nouveau pour chasser cette image, replongeant dans mon monde intérieur.
Je me retrouve à descendre des escaliers entremêlés, à l’image des labyrinthes des tableaux d’Escher. À mesure que je monte et descends les marches, je comprends que j’appuie sur ses boutons. Depuis mon espace, j’entends ses cris et réalise que je suis prisonnière, à l’intérieur d’elle.
Me sentant comme dans le célèbre jeu d’arcade où l’on appuie sur des flèches à l’aide de ses pieds au rythme de la musique, je m’amuse pleinement. Je monte en courant les marches, les redescends le plus rapidement possible. Je saute à cloche-pied d’une marche à l’autre, le sourire aux lèvres, et je m’ajuste selon les gémissements qui me parviennent depuis ma grotte.
Fatiguée, je m’assieds. Je sens la marche molle épouser mes fesses si parfaitement qu’on dirait une main entreprenante. Je décide alors de monter à quatre pattes les marches, rampant comme un animal. Je les caresse doucement au passage avec mes mains et mes seins butent tendrement sur chaque contremarche.
J’arrive au sommet de l’escalier lorsqu’un cri strident se fait entendre, suivi d’un bruit de mécanisme: les marches disparaissent en une pente droite qui me fait glisser jusqu’en bas et atterrir dans une piscine naturelle.
L’eau est chaude et lourde, comme une mer de sel qui me porte. Je fais la planche et observe les reflets de l’eau phosphorescents sur les parois de la grotte. Je bouge tranquillement, et me concentre sur les sensations jouissives de chaque micromouvement. Je me sens supportée, remplie d’amour, le mélange d’une expérience orgasmique et d’un retour au liquide amniotique.
Cette eau calme commence alors à s’agiter. Elle m’entraine dans ses vas et vient de plus en plus intenses. Elle me chahute, me culbute. Sa force est telle que je me fatigue. Je l’avale un peu. Elle rentre en moi entre deux mouvements de jambes. Puis quand elle a assez joué, elle se retire violemment, m’aspirant dans son siphon avant de m’éjecter.
J’ouvre mes yeux et la mer me submerge de nouveau. La main de Caroline est en moi et la mienne en elle, mes doigts butant contre ses parois. À chacun de mes mouvements, je récolte son eau dans la paume de ma main presque fermée. Mon bras ruisselle de ses fluides aux lueurs phosphorescentes.
Les yeux dans les yeux, nous nageons ensemble vers notre orgasme diluvien. Nous pratiquons la course à relais, puis nous nous attendons mutuellement pour passer la ligne d’arrivée. Je respire profondément entre chacun de mes pics pour conserver mon énergie, visualisant mon sexe gonflé, prêt à exploser. Je veille à tenir la laisse serrée.
À mesure que nous nous rapprochons de la rive, je sens le goût de sa langue changer, les muscles de son dos se tendre. Tandis qu’elle commence à se courber, je décide alors de lâcher les vannes et me baigne au contact de son index et son majeur caressant mon intérieur, se mouvant difficilement tant mon sexe est gorgé.
Nous nous faisons le cadeau de l’abandon, de la confiance, de la jouissance partagée. De la beauté des corps qui transpirent et qui respirent à l’unisson.
Elle mouille tout, de ses yeux à l’oreiller placé sous ses fesses, et je l’accompagne. Accrochées l’une à l’autre, nous mêlons nos fluides à nos chants.
Nous pleurons, rions et jouissons une dernière fois ensemble.
MC avait raison…
« Elle était ma dame, elle était ma came
Elle était ma vitamine
Elle était ma drogue, ma dope, ma coke, mon crack
Mon amphétamine, Caroline
Je repense à elle, femme actuelle, 20 ans, jeune et jolie
Remets donc le film à l’envers, magnéto de la vie
Pour elle, faut-il l’admettre, des larmes ont coulé
Hémorragie oculaire, vive notre amitié … »
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Illustration: Tim McDonagh
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