Je la regardais étendue sur le canapé. La tête un peu cassée dans son sommeil. Je ne voulais pas la réveiller. J’aimais l’idée que quand elle ouvrirait les yeux, surprise de ne pas être dans son lit, elle repenserait à notre nuit.

Elle portait une nuisette de soie chic, comme dans la série qui l’avait fait connaître. Elle avait eu la pudeur d’être allée se rhabiller pendant la nuit. Elle avait fait preuve de beaucoup de timidité lorsque je l’avais dénudée. Elle semblait s’excuser des affres du temps, de sa peau tannée face à la mienne encore jeune. C’est moi qui aurais dû m’excuser d’une peau si blanche qu’elle en était muette. Elle pouvait deviner mon ablation de l’appendice, et quelques vergetures aux hanches, sans plus. Moi, je pouvais y lire une vie. Des enfants. Y voir une peau caressée par le vent, le soleil et les hommes. Contempler ses veines où son sang voyageait et avait fait gonfler ses seins et ses lèvres des milliers de fois. Je regardais ses rides, les taches sur sa peau. Elle était riche. Elle ne le savait même pas.

Je l’avais trouvée belle au cours de la soirée de gala. Elle était tellement pleine de vie, portant en coin un sourire charismatique. Je lui avais dit. Ça l’avait flattée, puis intriguée. Entre deux petits fours, je lui avais dit direct: « J’aimerais beaucoup vous donner du plaisir ». Elle avait failli s’étouffer avec sa gorgée de champagne. Cela devait faire longtemps qu’on ne lui avait pas fait une telle proposition. Et lorsqu’elle comprit à mon regard que j’étais très sérieuse, elle quitta sa peau de grand-mère. La femme n’était pas loin. Je ne sais pas ce qu’elle dit à son mari à l’oreille, mais à la fin de la soirée, nous partîmes ensemble, direction : sa villa californienne.

Lorsqu’elle gara sa décapotable, je m’attendais à une maison excessivement décorée, à l’américaine. Je fus surprise de découvrir un style épuré. À travers les grandes baies vitrées se reflétait la Cité des Anges, by night. La vue était à couper le souffle. L’intérieur, tout en bois brut, était agencé avec beaucoup de goût. Le genre de foyer où l’on se sent vite chez soi. Mais c’était elle qui était chez elle, moi j’étais dans son territoire et me sentais moins à l’aise. Je n’osais pas m’installer sur les larges canapés invitants. Je fis un 360 degrés sur place, observant, me cherchant une contenance. Elle déposa son sac et ses clefs sur la console à l’entrée. Elle se déplaçait avec élégance, la démarche chaloupée.

Elle me proposa un verre. Je n’aime pas le whisky, mais je lui en commandai un, juste pour le plaisir de la voir prendre la carafe biseautée. Elle mit de la musique, je fus agréablement surprise d’entendre Timber Timbre. « Elle était tendance la vieille », pensais-je affectueusement, le sourire aux lèvres. J’avalais une gorgée de fort qui m’arracha la gueule.

– Alors comme ça, t’aimes les vieilles ?!, me demanda-t-elle. Elle avait le sens de l’humour.

– Les vieilles je sais pas, mais vous, je vous trouve inspirante.

Je vis à son sourire en coin que je marquais un point. Je n’avais pas envie de parler. De devoir me justifier pourquoi je la désirais. Elle était désirable, c’est tout.

Je ne me souvenais pas de la dernière fois que j’avais invité une femme à danser. Je m’approchai d’elle et pris sa main dans la mienne tout en plaçant mon autre paume dans le creux de ses reins. Mes doigts caressaient son dos et la naissance de ses hanches, ma cuisse droite fendait sa robe. Son parfum l’habillait divinement bien. Je prenais de grandes inspirations au plus près de sa peau. Le vinyle s’acheva.

– Attends-moi ici. Je vais nous faire couler un bain.

Sa proposition me laissa perplexe. Je la regardais s’éloigner, curieuse de la suite des choses. Au bout d’un certain temps, commençant à trouver le temps long, je me décidai à la chercher. Lorsque j’entrai dans l’immense pièce qui lui tenait lieu de salle de bain, elle était déjà plongée dans la mousse jusqu’au cou. Je me décidai alors à me déshabiller devant elle. Elle considéra ma nudité se mouiller. Je la soupçonnais d’avoir mis de la mousse en abondance pour ne dévoiler aucune parcelle de son corps.

J’observais son visage. Elle avait la lèvre qui sautillait. Je portais un certain jugement, en même temps qu’une certaine tendresse, envers la coquetterie de cette femme, je la jugeais naïve de vouloir étirer l’éternelle jeunesse. C’était moi qui étais naïve, elle n’était dupe de rien. À Rome, on fait comme les Romains. Ces choix, elle les avait faits consciemment pour rester à Hollywood. Et elle s’en sortait mieux que la majorité des « non-retouchées ». Elle me confiait : « Que mon apparence physique se modifie et alors ?! De toute façon elle se modifiait, je préfère choisir comment… ». Je l’imaginais victime d’un système, mais je réalisais qu’elle avait eu la liberté de choisir et elle assumait ses choix. « Tu n’as aucune idée de ce que c’est que de vieillir ». Et elle avait raison.

Même si j’étais persuadée que ce n’était pas juste l’apparence de cette femme “bien conservée” qui m’avait charmée, mais son œil pétillant, je n’avais pu m’empêcher de penser qu’elle avait « encore » de beaux seins, lorsque je l’avais déshabillée. Comme si le corps d’une femme se cristallisait à son pic de beauté, et était condamné à se faire comparer et évaluer selon cet âge d’or. Je trouvais ça d’une tristesse à mourir. Comment parlerait-on de moi dans 40 ans? certainement comme une version détériorée de moi-même, pensais-je, tandis que j’observais mes mains fripées dans l’eau.

Je profitais alors de son expérience, lui demandant comment elle vivait le fait de disparaitre des écrans, comme du domaine de la séduction, à mesure qu’elle avançait en âge.

D’une certaine façon, oui on laisse sa place… mais je dirais que vieillir, c’est une danse. Une danse entre laisser sa place et prendre de plus en plus sa place, mais d’une façon plus subtile. On a définitivement moins d’énergie pour faire la fête jusqu’aux petites heures du matin, ou crier fort. On habite moins l’espace, mais on s’habite plus soit.

Pourtant, j’avais très envie de la faire crier fort jusqu’aux petites heures du matin.

On sortit du bain. Elle avait pour habitude de se crémer le corps. Elle s’assit sur le bord du lit, laissant échapper ses jambes bronzées de son peignoir. Je m’accroupis et déposai une noix de crème sur sa peau. Elle sentait la plage. Commençant à la faire pénétrer, je m’appliquais à l’hydrater en profondeur. À chaque va-et-vient, mes mains allaient un peu plus loin entre ses cuisses. Sa peau était douce et fragile comme du papier bible.  Prenant son temps, elle ne se replaçait pas tout de suite après chaque passage. Craignant de l’arracher, je la caressais religieusement.

Je me mis à lui masser les épaules et la nuque. Elle remonta ses cheveux en chignon. Je contemplais ses grandes belles mains ridées, elles étaient la partie qui assumait le plus son âge. J’aimais le contraste de nos deux peaux. Puis, je m’assis sur le lit, un peu éloignée d’elle pour mieux la regarder. On s’observait. C’était la première fois que je prenais mon temps de cette façon. Le silence créait un malaise. J’attendais. Je savais que ça allait passer, que l’incongruité allait se transformer. Je fixais ses beaux yeux noisette tirant sur le vert. C’est elle qui brisa le silence.

– Je ne comprends pas trop pour quelles raisons tu es là.

– La même raison qui vous a fait m’amener ici. La curiosité.

– Et qu’est-ce que tu veux savoir ?

– Si, comme je le pense, le désir n’a pas d’âge…

Elle me sourit, amusée. Ses yeux venaient de changer.

– Avec les années, il a tendance à diminuer, mais c’est surprenant à quel point il peut vite se ranimer.

Elle me tendit sa main, je lui donnai la mienne. Elle la tira vers elle et la glissa entre ses cuisses. « -Touche! », me dit-elle.Mon index se fraya un chemin entre ses lèvres et cueillit son miel. Sentir sa sève couler m’excita excessivement. Je m’agenouillais entre ses cuisses lui demandant la permission « – je peux? ». Elle caressa ma joue pour toute réponse.

Je n’avais jamais goûté un sexe aussi savoureux. Son nectar était si riche. Je me questionnais si c’était toutes ces années qui lui donnaient une telle saveur. Loin de ces parfums fleuris et fugaces qui se mettent à tourner à force d’en abuser, sa cyprine était plutôt un parfait mélange entre une source saline, une caresse mielleuse et l’humidité chaude et terreuse de l’humus après la pluie.

Pendant que je la dégustais, un frisson remonta le long de ma colonne. À cet instant, je sentis un changement, comme une métamorphose en moi. Une étrange sensation envahit ma langue et je sentis une tension de plus en plus forte, comme si elle allait littéralement exploser dans ma bouche. Puis, dans un sifflement, celui d’un serpent, ma langue se scinda en deux : bifide. Une agilité nouvelle s’empara de moi. Je n’avais plus à choisir à quelle porte frapper, plus à hésiter entre caresser ou pénétrer : je pouvais tout faire à la fois. Habiles et voraces, mes deux langues voyagèrent sur elle avec une précision redoutable. L’une s’insinua profondément, explorant ses parois humides, tandis que l’autre butait contre son point le plus sensible, le pressant, le taquinant en surface.

Son désir semblait à l’étroit dans son corps vieillissant, il s’exprimait brutalement et paraissait presque la faire souffrir. Sous cette double caresse, je la sentis se cambrer et ses gémissements se transformèrent en un cri puissant et souterrain. À mesure qu’elle retrouvait son souffle, je retrouvai mes esprits et ma langue en un seul morceau.

Pinçant ma langue entre mes doigts, je me demandais si c’était le contact avec sa cyprine magique qui l’avait métamorphosée. Je n’attendis pas longtemps pour le confirmer.

Au-delà de la curiosité, j’avais surtout encore envie d’elle, envie de la manger sur son lit, sur le canapé de son salon, dans sa cuisine. Et je savourais chacune des secondes passées entre ses cuisses, car je savais que bientôt je ne pourrais plus y goûter.

Et lorsque pour la seconde fois, je plongeais ma langue entre ses lèvres, bien installées dans ses canapés moelleux, je sentis mes papilles devenir plus dures, quasiment râpeuses comme celles d’un chat. Ma langue agrippa sa peau et l’étira comme un pansement qu’on tente de décoller tout doucement.  Elle poussa un léger cri de plaisir. J’alternais alors entre cette langue revêche et la douceur de mes joues et de mon nez sur son sexe, afin de ne pas mettre son clitoris à vif.

Pour ne pas tacher le cuir du canapé, je veillais à ramasser son jus courant le long de son sillon, à l’image d’un cornet de crème glacée qu’on lèche avec précipitation lorsque la crème dégouline à toute allure sur les doigts. J’attendais que cette coulée chaude se rende le plus proche possible de son étoile anisée qui palpitait et m’appelait ; alors, d’un coup de langue précis, je la récoltais, savourant cette liqueur précieuse.

Depuis ses cuisses, nous nous lancions des regards perçants. Devant mon appétit dévorant, je la sondais du regard pour savoir si elle en voulait encore ou si elle en avait assez. J’aimais sentir ses mains dans mes cheveux et la manière qu’elle avait de me diriger pour adapter la cadence à son plaisir parfois fuyant. Cela me plaisait d’être à son service. Je m’occupai d’elle une bonne partie de la soirée. Nous prenions des pauses, des gorgées de whisky et de tisane. Cela faisait longtemps que l’on ne la visitait plus depuis cette perspective me partageait-elle.

Après ma langue féline et râpeuse, ce fut au tour d’une langue de bœuf de prendre le relais. Ma langue enfla, large, généreuse, envahissante, se mouvant avec beaucoup moins de précision, mais épousant au grand complet son sexe. Ses gémissements et la façon dont ses cuisses serraient ma tête m’indiquaient combien ce format XXL était une expérience hors du commun. Pour moi aussi. Ma langue était trop grande et pesante pour que j’arrive à la bouger convenablement. Je me décidai alors à la diriger grâce au mouvement de ma tête, et tandis que je faisais non, elle criait oui. La sensation était exquise, celle d’embrasser tout en même temps : ses grandes et petites lèvres, ainsi que ses orifices. Et comme je bougeais à peine, je pouvais me concentrer sur mes sensations et tout sentir plus consciemment. Chaque mouvement était un massage profond, une lourde caresse qui n’en finissait plus, jusqu’à ce que je la sente vaciller sous cette langue qui l’écrasait de plaisir. Un cri libérateur, rauque, animal.

Je la regardais étendue sur le canapé, la tête un peu cassée dans son sommeil. Et j’étais nostalgique de me dire que, de retour chez moi, je n’aurai plus accès à elle. Je repensai alors à ces saveurs de mon enfance et ces lieux disparus logés dans un coin de ma tête, ces paradis perdus que l’on ne peut plus visiter que par la mémoire.

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